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Viens voir ailleurs si j'y suis
26 mai 2007

Quand on aime, on ne compte pas !

00h39 – Kolda – Fatigue avancée mais joie au cœur !

Je profite de mes quelques dernières bribes de lucidité pour vous dire que je vais bien, très bien même !! Charly vient bientôt !! Oh oui ! Et le boulot avance correctement même ! Je passe mes journées à causer avec des vieux qui me racontent des histoires pas possibles sur l’Afrique d’antan ! Imaginez…

La scène se passe à l’ombre d’un énorme manguier dont les branches plient sous le poids des fruits mûrs (d’ailleurs gare à vos têtes, une mangue c’est un peu lourd quand même ! ça nous vaut de bonnes parties de rigolades !), nous sommes dans la concession d’une famille mandingue. Sous nos pieds, la terre est ocre et les femmes qui balaient chaque matin la cour rendent ce contact avec le sol doux. Une petite brise souffle et l’ombrage du manguier vous soulage de la chaleur déjà pesante à cette heure de la matinée. Les enfants vous entourent, ils rient aux éclats en réponse à vos sourires ! Un toubab (c’est comme ça qu’on appelle les blancs par ici) c’est vraiment drôle et bizarre à la fois ! Ca donne envie de les toucher mais du bout des doigts seulement disent leurs petites mains collantes de mangue. De temps en temps, vous rencontrez de ces petits qui vous aiment spontanément et qui décideront de passer la matinée sur vos genoux, comme ça. Les femmes pilent le mil en cadence, la sueur perle sur leurs tempes et leurs seins dansent. Vous êtes là, et vous attendez le chef de famille qu’on a fait appeler, il était sorti voir ses bœufs. Parce que vraiment, les bœufs sont les seuls animaux à ne pas roder dans la cour, moutons, chèvres et volailles guettent les débris de mangue en ces temps de saison sèche où l’herbe fraiche n’est plus depuis longtemps. Et voici le vieux qui entre. Quel âge à-t-il ? Sa peau est ridée, ses cheveux, sous son bonnet, sont blancs, son sourire est assez largement édenté mais il se tient droit, marche à bonne allure et vous serre franchement la main. Il attrape un de ces petits tabourets en bois sur lequel ses fesses tiennent tout juste, il vous salue et c’est parti. Vous vous présentez, expliquez la raison de votre venue et entamez vos questions. Le vieux, plissent les yeux quand il vous écoute puis prends une voix un peu mystérieuse au départ quand il vous parle du fondateur du village, celui qui était venu du royaume du Gabou parce qu’en rêve il avait vu ce lieu, cet arbre penché là au milieu de la forêt. C’est là qu’il devait être et c’est là qu’aujourd’hui ses descendants sont. Il vous cite tous les noms des chefs de village depuis lors et vous raconte l’agriculture d’antan, quand on défrichait la forêt avec des petites haches pour dégager un champ suffisamment grand pour nourrir sa famille, puis quand les colons ont amené l’arachide et fait le commerce sur le fleuve, quand dans la brousse on voyait à la nuit tombée zèbres, antilopes et autres éléphants ! Il vous raconte comment, voulant devenir tailleur, il a enfourché son vélo et à pédaler jusqu’en Guinée avec 10kg de sucre dans son sac. Il a vendu ça là-bas, le sucre manque en Guinée Bissau dans les années 50, et a acheté du tabac avec son gain qu’il revendra par la suite en fraude au Sénégal, les colons interdisant le commerce du tabac dans ces conditions. Il en aura fait des aller-retour avec la Gambie, il en aura eu des frayeurs avec son tabac en poche lui valant plusieurs journées couchées à se remettre, il aura même acheté une malle en fer pour le dernier voyage, celui des 50Kg de tabac, celui de tous les risques, celui où il acheta du coton qu’il imbiba de parfum pour camoufler l’odeur de son bagage, celui grâce auquel il gagna 40 000 FCFA. Celui grâce auquel il pu se payer cette fameuse machine à coudre Berlina qu’un de ses fils  utilise toujours aujourd’hui en vedette dans son atelier. Il vous raconte ça, sa voix tremble encore d’émotion et vous êtes avec lui sur ce vélo ! Et vous vous dites que 40 000FCFA c’est quoi ? 60€ par là.

Ce vieux est chef de village, il est né en 36, a deux femmes et 18 enfants, tous sont allés ou vont à l’école. Ce vieux n’a jamais été à l’école mais ce vieux il parle français. Ce vieux, il dit que la terre a été sa chance car il a pu nourrir sa famille, ce vieux, il dit que la terre c’est le 1er métier et le dernier métier. Ce vieux, il est doux avec vous et est heureux de vous raconter sa vie de labeur, ses yeux brillants vous réchauffent le cœur. Ce vieux, ce qu’il me raconte, le temps qu’il me donne, ses regards et sa main calleuse qu’il serre autour de la mienne, ce vieux…

Quelle chance j’ai de faire ce métier.

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